Un court extrait des messages qui parviennent à la rédaction à l’occasion du vingtième anniversaire de la revue. Les textes complets seront publiés dans un numéro spécial des Cahiers de la revue.
La revue M@GM@ est une étape clé, un carrefour, un pas de tir vers des nouvelles aventures : un mythodrome. Je vous explique : je m’imagine volontiers (toute forfanterie mise à part) conducteur d’une caravane chargée de mes propres mythes (charrues antiques ouvrant le sol vers l’inframonde, arrières de camion (TIR au CUL) sillonnant la galaxie, bêtes à cornes de Moïse, mascarons comme peuple des têtes coupées, Fripons divins, serre-joints sauvant le monde, pieux funéraires dayaks, la pneumatique comme science des choses de l’esprit … ) et de quelques autres mythes dérobés à l’histoire de l’humanité (Icare, Dionysos, Arachné, Encelade, Judith et Holopherne …). La caravane est chargée, elle passe quand bien même les chiens aboient.
D’années en années, de villes en ville, de terrains vagues en forêts primaires, je fais avancer vaille que vaille tout ce barnum. Je trimballe ma troupe et ses phénomènes de foire qui me mettent en joie ou en colère selon les jours. J’excursionne à travers l’existence et j’escalade les décennies, je négocie mes passages sur les ponts de liane et au cours de nuits obscures dans les villages sur pilotis ou dans les immeubles de grande hauteur.
Et voilà qu’un jour pas si lointain, je rencontre Orazio Maria Valastro, son enthousiasme, son incandescence et M@GM@, sa revue. A Catane, sur mon compteur Geiger de la mesure de radioactivité mythologique, l’aiguille s’est affolée. Je me suis penché sur la Sicile comme sur la carte d’une chasse au trésor. Thrinakìa se révélait comme la couche la plus récente d’un palimpseste que je réécris depuis ma nuit des temps, tels ces murs d’affiches recouverts de saisons en saisons, palimpseste moderne mais palimpseste tout de même.
Je suis voyageur, cartographe, écumeur de tarmac. Ne prenez pas ça pour de la vantardise. C’était autrefois romanesque et romantique mais le voyage dans le siècle à venir va perdre de son aura.
Aujourd’hui il va nous falloir des ports d’attache, des lieux qui concentrent le monde … Il nous faut des îles. L’île permet la méditation sur le monde, de penser le monde, c’est une caisse de résonnance où tous les phénomènes sont exacerbés … donc lieu de lecture du monde et de son avenir. A Catane M@GM@ en est le portevoix.
La Sicile est un cosmos en réduction, un terrain de jeu pour les enfants éternels que nous sommes et M@GM@ est le lieu privilégié où se réalisent nos utopies. M@GM@ est une île dans l’île, un carrefour de dialogues littéraires, culturels, personnels. On sait que l’île est un espace préservé, ambivalent, mi-enfer, mi-paradis où les habitants savent que rien n’est jamais acquis et que l’aventure qui déserte les lieux policés et donc le continent, alimente le devenir des enclaves insulaires. Les poètes et les sociologues s’y rendent en quête de fécondation et d’inspiration. M@GM@ explore les siècles , ce qui permet de s’explorer soi-même, de se révéler en tant que mythe en devenir.
C’est pourquoi M@GM@ est un mythodrome. Un mythodrome? C’est une affaire un peu surprenante. Vous ne saviez pas que ça mijotait. C’est après coup que vous vous rendez compte. Et c’est après coup que vous pouvez commencer à en parler. Un jour, ça prend forme inattendue et parole imprévue. Ce jour-là, il faut passer du temps pour écouter, apprivoiser, chevaucher la chose, lui trouver un endroit. Vous vous rendez compte que vous voyagez en amont et en aval du temps. Que vous avez assisté au commencement de toutes choses et que vous revenez d’un monde futur. Vous avez besoin d’un endroit pour vous reposer, jouer, pisser, raconter : un mythodrome … Un M@GM@.
Christian Gatard (Paris)